"Les Chemins bleus", exposition de Charlotte Goffette
Exposition du 13 novembre 2025 au 13 février 2026, “Les Chemins bleus” est à découvrir à l’agence Champ Libre, à Lyon
Exposition de Charlotte Goffette du 13/11/25 au 13/02/26
“Quand la rigueur de la science et du design se mêle à la porosité du vivant
Dans l’atelier de Charlotte Goffette, la pensée sédimente comme la poussière sur la pierre. Rien n’y est brusque: on y perçoit moins la précipitation du faire que la douceur d’une enquête. Invariablement, tout commence par un regard, une attention portée à ce qui nous traverse sans visage: l’air, l’eau, le vent, la terre.
La recherche de la designeuse repose sur une conception non hiérarchique du savoir. Elle détourne consciemment le langage scientifique de sa verticalité pour lui offrir un souffle poétique. La cohérence de sa démarche va jusqu’au choix des matériaux. Elle travaille le bois du Forez, la pierre bleue belge, la céramique, en respectant leurs teintes naturelles. Lorsqu’une pierre brésilienne splendide entre dans son atelier, elle hésite presque à la travailler: seuls les matériaux locaux, issus de territoires qu’elle a arpenté et compris, méritent d’être transformés. Par conséquence, ses objets ne sont jamais neutres: ils restent vivants, chargés de forces et de mémoires. Sa méthode repose sur deux protocoles complémentaires. Le premier s’ancre dans la théorie: lectures d’Isabelle Stengers ou Bruno Latour, rencontres avec des météorologues, cartographies et dessins d’intention qui« posent les idées dans l’espace». Le second privilégie l’expérimentation directe: découvrir un territoire sans idée préconçue, rencontrer les artisans locaux, manipuler la pierre bleue de Sprimont ou l’eau thermale de Vals-les-Bains. Cette alternance entre pensée et faire transforme son atelier en laboratoire : espace d’essais, d’erreurs et de décantations.
Charlotte revendique une esthétique maximaliste dans le fond, minimaliste dans la forme. Sous des surfaces épurées, rondes, douces au toucher, se cache la complexité documentaire. Ses objets deviennent zones de contact entre la pensée et la matière, conçus non pour être regardés mais éprouvés. Sans utilité urgente, ses pièces respirent d’elles-mêmes : elles racontent le vent logé dans la pierre (Tiniri et la brume, 2022), la chaleur d’une main sur la céramique (Dans la paume des mains, 2025). la lente persistance d’un geste en mouvement(les cheminaires d’Ouroboros, 2024°. Autant de formes sculpturales autnomes capables de raconter d’autres récits que celui de leur créatrice.
Charlotte assume une position singulière dans le champ du design contemporain. Elle questionne la surpoduction et la “logique de la décoration” qui vide les objets de leur valeur symbolique. Au-delà de toute perfection industrielle, elle cherche la justesse du lien en créant des pièces uniques ou en série imitée, conçues pour durer et pour être réparées.
Cette exigence s’accompagne d’un positionnement incarné et lucide. Née en Belgique, ayant grandi sur le littoral breton, elle puise dans ces territoires familiers une connaissance intime des éléments telluriques. Sa démarche s’inscrit dans ce que Baptiste Morizot nomme “crise des sensibilités”: notre perte de capacité à sentir le vivant. En créant des objets qui portent l’histoire d’un lieu, d’une matière, d’un geste, la designeuse réactive nos liens perceptifs et affectifs au monde. Elle ne verse pas dans le militantisme écologique simpliste, mais propose une réponse esthétique et sensible à l’urgence contemporaine. Charlotte trace une voie exigeante dans le design, entre théorie et expérimentation, elle construit une œuvre patiente où chaque objet devient une invitation à ralentir, à percevoir ce qui nous échappe ordinairement. “
Texte écrit par Alan Croissant Oct. 2025
Vernissage le 13 novembre à 18h.
Ouverture sur rendez-vous.
Champ Libre
122 rue Delandine
69002 Lyon